Gros plan sur le centre-ville

Plusieurs signes laissent entendre que le centre-ville de Pontarlier est en voie de dévitalisation et donc de dépeuplement. Il suffit de lever les yeux dans la rue de la République et les rues adjacentes pour constater le nombre accru de logements vacants, du fait de leur vétusté. Concernant les commerces, si cette même rue semble résister au déclin, les autres artères montrent des visages différents. La rue de Salins, entre la rue des Capucins et la place Saint-Pierre voit ses commerces progressivement fermer et les cellules commerciales de l’immeuble qui a remplacé la station-service restent désespérément vides depuis plusieurs années. Le déménagement des deux banques proches de Saint-Bénigne, l’un effectif, l’autre à venir, ainsi que le transfert prochain de la boutique Orange à l’angle des rues Parguez et de la République, vont vider toute une partie de la Place Saint-Bénigne. On peut aussi se rendre compte d’un changement assez fréquent de commerces et d’enseigne. L’année 2018 a été, aux dires des commerçants assez morose, 2019 est annoncée meilleure sans que l’on puisse augurer d’une amélioration pérenne. Quelles sont les causes de ce déclin ? Tâchons ici de les identifier et de les analyser pour mieux en combattre les conséquences.


Commerces et concurrences

Le commerce en ligne

La concurrence du « e-commerce » est souvent avancée comme la cause principale de la perte de vitesse du commerce de détail, y compris à Pontarlier. Il est assez difficile de se faire une opinion précise de la pénétration de la vente en ligne tant les statistiques  disponibles sont diverses. L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) n’a pas d’indicateur spécifique pour le commerce en ligne. Il est inclus dans l’ensemble « commerce hors magasin » qui regroupe aussi les ventes par démarchage, par distributeurs automatiques et les marchés. En 2018, il représente 8,31% du chiffre d’affaire du commerce de détail. La Fevad (Fédération du e-commerce et de la vente à distance) estime elle à 9,1% cette part de marché pour la même année 2018.L’analyse des secteurs impactés par le commerce en ligne montre que ce sont les produits culturels qui sont, de loin, les plus achetés sur internet (livres, musiques et films pour l’essentiel). Selon la Fevad, en 2018, 48% des achats de cette catégorie de produits se font par internet, ne laissant que 52% pour les magasins. Les achats liés au tourisme (voyages, séjours) s’opèrent à 44% en ligne. Notons que l’on trouve dans ces transactions les achats de billets de train, d’avion, … Il s’agit donc là des secteurs les plus fortement impactés par le commerce en ligne. La pénétration du e-commerce dans le secteur de l’habillement et de la chaussure est à 14%, 86% de ces marchandises sont donc vendues en magasin. Gardons en mémoire que le e-commerce a remplacé dans beaucoup de domaines  la vente par correspondance qui  a représenté jusqu’à 7% du commerce de détail. Sans nier l’irruption des pratiques d’achats sur internet et leur développement, ce n’est peut-être pas dans ce phénomène qu’il convient de chercher les causes principales du déclin des commerces des centres-villes.


Les zones commerciales périphériques

Les commerces de détail se sont multipliés dans les zones périphériques, c’est-à-dire pour ce qui nous concerne Les Grands Planchants et les zones de Doubs et d’Houtaud à proximité des hypermarchés. Un article du 5 octobre 2018 sur le site internet de France Bleue vantait la très bonne santé du commerce à Pontarlier, notant que « en 12 ans, le nombre de commerces est passé d’environ 400 à presque 850 dans l’agglomération. » (1). Il est évident que ces nouvelles implantations ne se sont pas faites au centre-ville. En parallèle, au cours de la même période, la population de la « zone de chalandise » n’a pas doublé et celle de la seule communauté de commune du Grand Pontarlier n’a augmenté que de 2,70 %. Ensemble, les cinq intercommunalités constituant le « Pays du Haut-Doubs » ont grossi de 12 %. L’équipement commercial s’est développé beaucoup plus que la population. On peut donc fonder l’hypothèse d’une concurrence interne au commerce pontissalien, au détriment du centre-ville. Ce phénomène est d’ailleurs presque admis puisque le même article précise que «tout n’est pas non plus tout rose : par exemple dans le secteur du vêtement. « Le vêtement c’est compliqué parce qu’on a des mastodontes de marques nationales qui déstabilisent un peu nos commerces du centre-ville » note Denis Gérôme »  (président de l’association « Commerce Grand Pontarlier).

Un des aspects du problème pourrait venir de « La prolifération des zones commerciales en périphérie [qui] aspirent la clientèle des centres-villes » comme constaté par Franck Gintrand dans un livre au titre évocateur : « Le jour où les zones commerciales auront dévoré nos villes »(2). Le phénomène est national. Trouver, dans les zones périphériques et notamment dans la proximité des hypermarchés de quoi faire ses courses alimentaires et du quotidien ainsi que les articles d’habillement, de chaussures, etc, dans les mêmes gammes qu’au centre-ville entraîne mécaniquement une perte d’attractivité des boutiques de ce centre.

Commerce en ligne, concurrence des zones périphériques expliquent pour une part le déclin rampant de la « Grand’rue » et des artères adjacentes, mais n’épuisent pas le sujet.


Ce n’est pas tant un problème de commerces, que de centre-ville

Beaucoup de personnes sont conscientes du problème et certaines proposent des solutions. C’est le cas de M. Ferrari, de « Ferrari-Musique », rue de Salins, nous a fait connaître une analyse qu’il a réalisée sur la question de l’attractivité des commerces de centre-ville par rapport aux autres formes de pratiques commerciales (3). Il préconise notamment une réduction de la TVA. Même si cette mesure était pertinente, sa réalisation ne relève pas du pouvoir d’une collectivité locale ! Pour autant, face aux menaces que constituent le développement du commerce en ligne et des boutiques de détail en périphérie, il faut bien, si l’on veut conserver un centre-ville vivant, lui permettre d’acquérir des « avantages comparatifs ».

Comme le souligne le site Urbis (4), ce n’est pas seulement un problème de commerce : « C’est un problème de centres-villes. Ces derniers ont perdu à la fois leurs habitants – le taux de vacance des logements est encore plus significatif que celui des commerces – et tout ce qui générait des flux de personnes. (…) Il n’y a plus assez de monde qui vit et qui passe dans les centres-villes pour faire vivre les commerces. » et de préconiser une méthode : « Il ne faut plus travailler en silos, c’est-à-dire en empilant des stratégies – une pour le commerce, une pour le logement, une autre pour les équipements… – sans les lier les unes aux autres ». C’est cette approche globale que nous voulons privilégier en réfléchissant en parallèle à tout ce qui constitue le centre-ville (commerces, logements, infrastructures, aménagement urbain, mobilités, …) pour lui donner un nouveau visage. Lequel ? Rêvons un peu …


Imaginons une population qui aime son centre-ville et qui aimerait y habiter

Ce serait des personnes retraitées habitant dans des pavillons devenus désormais trop grands,

Ce serait des couples jeunes avec enfant(s) qui aimeraient ne plus être contraints le week-end de prendre la voiture qu’ils ont utilisée toute la semaine pour se rendre au travail, y compris dans des « bouchons »,

Ce serait des familles aux revenus modestes qui souhaiteraient aussi se passer le plus possible de l’auto et habiter dans des logements confortables, « proches de tout », au loyer et aux charges modérés,

Ce serait une population intergénérationnelle et caractérisée par la mixité sociale,.

Qu’en pensez-vous ? On peut bien sûr allonger la liste. Mais cela nous indique déjà les directions à prendre.

1 –Influer résolument sur la qualité de l’immobilier. La règle d’or en la matière est d’en passer par une rénovation énergétique la plus complète possible, permettant la réduction substantielle des charges de chauffage.

2 – Favoriser et soutenir toutes les initiatives collectives citoyennes de maîtrise des coûts de l’immobilier (sociétés foncières solidaires, coopératives de l’habitat, habitat participatif, …) et les accompagner dans la construction et /ou la rénovation complète et performante des logements.

3 – Agir pour une réinstallation d’un commerce alimentaire de type superette dans le centre. Dans des locaux aux faibles charges, et dans la mesure du possible, au faible loyer, les prix des marchandises pourraient être similaires, voire inférieurs, à ceux pratiqués en périphérie (l’exemple de Colruyt montre que cela est possible).

4 – Inscrire dans le Plan local d’urbanisme intercommunal l’interdiction de tout nouvel étalement urbain, de toute nouvelle extension commerciale.

5- Comme mentionnée dans notre article « Se loger », concentrer l’action de la structure d’accompagnement des initiatives privées de rénovation de l’habitat sur le contexte spécifique du centre-ville.

6- Intervenir directement, par le moyen d’une structure de type régie immobilière de la Ville, dans l’achat, la rénovation, là-aussi complète, des logements vacants, leur remise sur le marché à des prix abordables pour les plus modestes (on pense évidemment aux étages de la Maison Chevalier)

7 – Réfléchir à une intervention directe de la Ville, éventuellement par le biais de la régie, dans l’acquisition en vue de leur rénovation des locaux commerciaux vacants et leur remise sur le marché à des prix plus faibles.

8 – Favoriser l’installation de commerces « qu’on ne trouve pas ailleurs » et notamment dans une orientation écologique : circuits courts, productions locales, commerces coopératifs regroupant des artisans locaux, …

9- Inscrire ces politiques chaque fois que cela est pertinent dans des dispositifs publics (État, région, département, Union européenne) de type OPAH (opération programmée d’amélioration de l’habitat), Anah (Agence nationale de l’habitat)  afin de bénéficier de toutes les aides et subventions disponibles.

10 –Procéder à la rénovation, au développement et l’installation de structures de services à la personne, de modes de garde pour les enfants, de loisirs et de culture dans le périmètre du centre-ville.

11 – Intégrer les problématiques spécifiques du centre-ville dans l’établissement du Plan de Déplacement Urbain. Construire un parking souterrain réservé pour l’essentiel aux habitants et aux commerçants du centre-ville.

12 – Donner un caractère, une ambiance, propres à ce quartier, par un verdissement des rues et des places et des efforts de décoration de façades.

Verdir la ville
Qu’en pensez-vous ?

13 – Valoriser certains événements culturels et en augmenter la renommée afin d’attirer une clientèle nouvelle profitant également aux structures d’hébergement : festival de cinéma d’animation, salon des Annonciades, festival Pont des Arts, …

Dans toutes ces politiques, la Ville aura souvent le rôle de facilitateur, d’accompagnateur et donc aura à cœur de les mettre en place grâce à des structures et des mécanismes de concertation. L’investissement financier trouvera assez rapidement un retour par l’augmentation de la population, et donc des recettes liées à la démographie (impôts locaux et leur compensation).

S’agit-il là de propositions utopistes ? irréalistes ? si oui, alors elles le sont autant que le « Plan rénovation énergétique des bâtiments »(5) élaboré en 2017 conjointement par les Ministères de la Transition écologique et solidaire et de la Cohésion des territoires qui prévoit, entre autre, dans son Axe 1 de « Faire de la rénovation énergétique des bâtiments une priorité nationale » et dans Axe 2  de « Massifier la rénovation des logements et lutter contre la précarité énergétique », particulièrement  en plaçant les « territoires » au cœur de cette stratégie. Nous pourrions citer aussi les intentions énoncées dans le Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) de la région Bourgogne – Franche-Comté (6).

Notre action s’inscrira donc, à la fois, dans notre vision de la nécessaire transition écologique et dans les politiques annoncées aux niveaux national et régional. Notre connaissance du terrain nous permet de leur donner une réalité concrète, avec le souci permanent d’une amélioration des conditions de vie, y compris financière, de nos concitoyens.

Notes :
(1) https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/le-commerce-se-porte-tres-bien-a-pontarlier-et-c-est-grace-aux-suisses-1538729465

(2) 4ème trimestre 2018, Thierry Souccar éditions

(3) https://www.ferrari-music.fr/blog/post/sample-post1.html  

(4) https://www.urbislemag.fr/-ce-n-est-plus-le-commerce-qui-rend-un-centre-ville-attractif–billet-475-urbis-le-mag.html

(5) https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/plan-de-renovation-energetique-des-batiments ou https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Plan%20de%20r%C3%A9novation%20%C3%A9nerg%C3%A9tique_0.pdf

(6) https://www.bourgognefranchecomte.fr/sites/default/files/2019-02/SRADDET%20lCI

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